Sommeil et travail

Contenu publié le : 4 janvier 2024 et modifié le: 17 janvier 2024

Sommeil et travail posté ou à horaires atypiques

En France, 1 salarié sur 4 travaille en horaires décalés ou de nuit. Le travail de nuit concerne 15,2% des salariés soit 3,5 millions de personnes (enquête DARES, 2011). Des horaires de travail atypiques peuvent perturber notre sommeil.

Nos horloges biologiques malmenées

Ce type d’horaires de travail est toujours perturbant pour l’organisme. Il met à mal les rythmes biologiques. Nous avons des horloges dans le cerveau qui contrôlent les différentes fonctions du corps (le rythme de la digestion, des secrétions hormonales, de la force musculaire, du sommeil….).  C’est la lumière du jour qui permet à nos horloges de bien caler nos rythmes entre eux pour fonctionner de manière optimale. Si cette synchronisation ne se fait pas ou mal, la désorganisation qui en résulte aboutit à la perte de la programmation de ces fonctions qui se font alors au coup par coup. Tout notre corps fonctionne alors dans le stress avec des conséquences qui sont maintenant bien connues : troubles digestifs, prise de poids, risque d’hypertension, ou de troubles du rythme cardiaque, mauvais sommeil ou insomnie majeure.

S’adapter ou pas ?

Le travail de nuit ou le travail posté est d’autant mieux supporté qu’il s’inscrit dans un choix et une motivation forte. Malheureusement les conditions de travail ne remplissent pas toujours ces conditions idéales et sont plutôt subies que choisies. Il y a des personnes qui ne tolèrent pas d’emblée les horaires imposés et sont donc nécessairement orientées vers d’autres postes. D’autres le tolèrent assez correctement et ce sont le plus souvent de courts dormeurs.
Entre les deux il y a des personnes qui s’adaptent dans un premier temps mais qui, souvent à l’occasion d’un changement dans leur vie (vie en couple, arrivée d’un enfant, décès d’un proche, accident, …), n’arrivent ensuite plus à suivre le rythme.
Plus on est jeune, avec une typologie de sujet du matin, mieux on tolère le travail posté. Les femmes semblent avoir plus de difficultés. L’un des premiers signes d’intolérance est l’apparition d’une insomnie. Une étape supplémentaire est franchie quand la personne est obligée de prendre régulièrement des hypnotiques.

Les conséquences du travail posté ou du travail de nuit

La plupart des études montrent une diminution du temps de sommeil total associé au travail posté et/ou de nuit. On a objectivé une augmentation du risque de somnolence durant la période d’éveil. Les risques d’accidents de la circulation sont multipliés par 2. Ils sont plus importants lors du trajet aller avant un poste du matin, et lors du trajet retour après un poste de nuit.
Quelles que soient les modalités d’organisation du travail posté, les postes de nuit et les postes très tôt le matin (avant 7h) sont responsables d’un temps de sommeil court et d’une somnolence. Les mêmes effets sont observés pour les postes très longs (> 16 heures) et les longues semaines de travail (> 55 heures). Pour cette population de travailleurs, on relève plus d’accidents du travail et plus d’arrêts de travail.
Les risques sur la santé sont loin d’être négligeables. Globalement ces horaires de travail qui entrainent des ruptures de rythme favorisent un surpoids avec une augmentation modérée de l’indice de masse corporelle. Les risques cardio-vasculaires sont connus de longue date avec une augmentation modérée du risque de maladies cardiovasculaires et d’hypertension.
Moins bien connus sont les risques cancérigènes. Celui qui est le plus établi concerne le cancer du sein. Les résultats de 2 méta-analyses (Megdal, 2005 et Erren, 2008) rapportent une augmentation de 40 à 51% du risque de survenue d’un cancer du sein chez les femmes en travail posté et/ou de nuit. Il n’y a pas de preuve concernant l’implication causale de la mélatonine ou de la  réduction du temps de sommeil, néanmoins on note  une tendance à une augmentation du risque quand le temps de sommeil est inférieur à 6 heures. En ce qui concerne le cancer colorectal ou le cancer de la prostate, les données laissent suspecter un accroissement du risque en association avec le travail posté et/ou de nuit. Cependant, les données sont insuffisantes pour confirmer ou infirmer ce risque.

Comment diminuer les conséquences du travail de nuit ou du travail posté ?

Certaines recommandations de la Société Française de Médecine du Travail (2012) concernent l’organisation du travail sur laquelle le travailleur n’a souvent que peu de possibilités d’action directe. Ainsi, les rotations en sens horaire semblent avoir moins d’effets délétères sur le sommeil et la vigilance que les rotations en sens antihoraire. Pour prévenir les durées de sommeil raccourcies sur 24 heures, il est recommandé d’éviter les rythmes de rotations rapides (2 à 3 jours) et de préférer des rythmes de rotation intermédiaires de l’ordre de 4 à 5 jours.
Les conditions d’éclairage des salles de travail sont aussi tout à fait déterminantes. L’exposition à la lumière avant et/ou au début de chaque poste, ou bien encore la présence d’une lumière de haute intensité pendant le travail posté, sont recommandées pour faciliter l’adaptation au travail posté ou au travail de nuit. Dans tous les cas la limitation de l’exposition à la lumière en fin de poste est recommandée pour faciliter le sommeil.

Les bonnes pratiques de sommeil pour le travail posté :

Retrouvez ci-dessous les bonnes pratiques parues dans en décembre 2023 dans la Revue Sleep.

1. Donnez la priorité à votre sommeil : en tant que travailleur posté, il peut être difficile de dormir suffisamment et de ne pas se mettre en dette de sommeil. Faites du sommeil une priorité en programmant les activités sociales et les tâches ménagères, en fonction de vos horaires de sommeil, lorsque cela est possible, et en informant vos amis, votre famille et vos voisins.

2. Visez 7 à 9 heures de sommeil toutes les 24 heures : vos besoins individuels en sommeil peuvent différer, mais les recherches montrent que 7 à 9 heures est la quantité de sommeil dont la plupart des adultes en bonne santé ont besoin, et il peut être compliqué de déterminer avec précision vos besoins individuels quand vous avez un sommeil et des horaires de travail non fixes. Ceci peut être réalisé sous la forme d’une seule période de sommeil, ou sous la forme d’une période du sommeil principale complétée par un ou plusieurs siestes. Gardez à l’esprit qu’il s’agit du temps total passé à dormir, pas seulement du temps passé au lit.

3. Élaborer un planning de sommeil : votre planning de sommeil doit être basé sur vos horaires de travail et votre mode de vie. Essayez de maintenir un horaire de sommeil similaire pour chaque période de travail (par exemple, heure du coucher A quand votre travail commence le matin, heure du coucher B quand votre travail commence l’après-midi, etc…), en n’oubliant pas de prévoir suffisamment d’opportunités de sommeil (c’est-à-dire 7 à 9 heures au total sur 24 heures).

4. Développez une routine au coucher : trouvez des activités qui vous aident à vous détendre et à favoriser le lâcher prise, idéalement dans un environnement faiblement éclairé et calme. Ceci est particulièrement bénéfique si vous avez du mal à vous endormir.

5. Planifiez votre transition pour les jours non travaillés : lors de la transition vers les jours non travaillés, en particulier après avoir travaillé tard ou la nuit, une stratégie qui peut fonctionner pour vous est de dormir un peu le matin (moins que ce que vous feriez si vous deviez continuer le rythme du travail posté) et ensuite de vous recoucher plus tôt que votre heure de coucher habituelle. Une exposition à la lumière naturelle après le réveil du matin peut aider votre horloge biologique à se réaligner sur le cycle jour-nuit.

6. La sieste est utile : Les siestes courtes (15 à 20 minutes) peuvent améliorer la vigilance et les performances, tandis que les siestes plus longues (90 minutes) contribuent plutôt à réduire la dette de sommeil. Les siestes de moins de 15 minutes peuvent être trop courtes pour être bénéfiques, tandis que les siestes de plus de 20 minutes peuvent vous rendre plus susceptible de ressentir une inertie du sommeil (voir 7). Gardez à l’esprit que les siestes plus longues doivent être évitées dans les 4 à 6 heures précédant votre période principale de sommeil, car elles peuvent rendre l’endormissement plus difficile. Idéalement, faites une sieste dans un environnement calme, sombre et frais pour une meilleure qualité de sommeil.

7. Tenir compte de l’inertie du sommeil : après leur réveil, les travailleurs postés peuvent ressentir une inertie du sommeil – une période de somnolence au cours de laquelle la vigilance et les performances sont altérées. Cette sensation dure généralement 15 à 30 minutes après le réveil mais peut durer jusqu’à 2 heures (elle est d’autant plus longue que la sieste a été longue). Il est important d’éviter les tâches à haut risque (par exemple conduire, utiliser des machines) pendant cette période.

8. Créer un environnement de sommeil confortable : essayez de dormir dans un endroit confortable et frais (16 à 20 ºC) avec une ventilation adéquate. Privilégiez l’obscurité en bloquant autant que possible la lumière (par exemple, utilisez un mobilier de fenêtre approprié, portez un masque pour les yeux) et le silence (fermez les portes et les fenêtres, utilisez des bouchons d’oreille, éteignez les appareils susceptibles d’émettre des signaux sonores). Certaines personnes trouvent le bruit blanc utile.

9. Utilisez votre lit pour dormir et pour l’intimité : utilisez votre lit pour dormir et pour l’intimité seulement, si possible. Évitez les activités mentalement stimulantes au lit (par exemple jouer à des jeux vidéo, travailler sur un ordinateur portable) et veillez à ne pas partager votre lit avec d’autres personnes ou animaux domestiques qui pourraient perturber votre sommeil.

10. Pensez à l’exposition à la lumière : l’exposition à une lumière vive avant de vous coucher peut avoir un impact négatif sur votre sommeil. Essayez de limiter l’exposition lorsque cela est possible, par exemple en portant des lunettes de soleil lorsque vous rentrez chez vous après un quart de nuit ou en baissant la luminosité de l’écran des appareils.

11. Tenir compte de votre consommation de caféine : la caféine peut contribuer à améliorer la vigilance et les performances avant et pendant votre poste de travail. Cependant, les effets de la caféine peuvent durer plusieurs heures, souvent plus longtemps que vous ne le pensez, et varient considérablement d’une personne à l’autre. Gardez à l’esprit que la caféine trop près de l’heure du coucher peut avoir un impact négatif sur votre sommeil.

12. Faites attention à la consommation de nicotine : évitez complètement la nicotine ou limitez votre consommation de nicotine dans les 6 heures précédant le coucher.

13. Faites attention à la consommation d’alcool : évitez l’alcool avant le coucher. Certaines personnes pensent que l’alcool aide à s’endormir. Cependant, boire de l’alcool peu avant l’heure du coucher, même en petites quantités, a un impact négatif sur la qualité de votre sommeil.

14. Faites attention aux médicaments : les médicaments peuvent avoir un impact sur le sommeil. Certains médicaments ont des effets stimulants et, idéalement, ne devraient pas être pris avant le coucher. Certaines substances naturelles, comme la mélatonine, peuvent être utiles aux travailleurs postés éprouvant des problèmes de sommeil. Les médicaments somnifères ne doivent être utilisés que pour un soulagement à court terme ou de manière intermittente. Consultez toujours un professionnel de la santé concernant la prise de médicaments et leur impact sur votre sommeil.

15. Faites attention à l’apport alimentaire : dans la mesure du possible, limitez l’apport alimentaire pendant les postes de nuit et, si vous mangez, optez pour des repas plus petits et plus légers. Ne vous couchez pas le ventre vide, car cela pourrait avoir un impact négatif sur le sommeil, mais choisissez avant de vous coucher un repas plus léger qui ne provoquera ni digestion ni inconfort.

16. Faites attention aux apports hydriques : il est important de maintenir l’hydratation en buvant beaucoup d’eau durant la période d’éveil ; cependant, évitez de trop boire avant de vous coucher, car cela pourrait entraîner des troubles du sommeil ave un besoin d’uriner la nuit.

17. Faites de l’exercice physique régulièrement : l’exercice régulier est important pour la santé et peut vous aider à mieux dormir. Il doit donc être inclus dans votre quotidien. Gardez à l’esprit que la recherche montre désormais que l’exercice nocturne ne perturbe pas le sommeil pour la plupart des gens ; il est également important de passer du temps à se détendre avant de se coucher.

18. Élaborer des stratégies pour les problèmes de sommeil : si vous ne parvenez pas à dormir, sortez du lit et faites quelque chose de relaxant dans un environnement calme et faiblement éclairé. Essayez de limiter le temps passé devant un écran et de regarder l’horloge et retournez vous coucher une fois que vous avez sommeil. Si les troubles du sommeil surviennent plus de 3 fois/semaine pendant plusieurs semaines consécutives, demandez conseil à un professionnel de santé.

 

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